L’intelligence collective, le chausse-pied du bien-être au travail ?

Absenteisme

Je vous propose de continuer à creuser le sujet de l’absentéisme et du bonheur au travail avec Emmanuel Balland, spécialisé dans le management de la transition et directeur de projets chez Arismore. A travers la métaphore de la chaussure, voici donc la suite du billet qui vous proposait 7 idées pour comprendre le bonheur au travail à travers la question de l’absentéisme.

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L’absentéisme est une des modalités du désengagement des salariés, c’est une réponse de retrait reflétant l’échec des stratégies d’adaptation mises en œuvre par l’individu. Cette nécessité de se soustraire du monde du travail intervient lorsque nous sommes mis dans l’incapacité à réconcilier notre système de valeurs/croyances avec les injonctions de l’entreprise. Les ressentis exprimés sont dans le registre du sentiment d’inadaptation et de la perte de sens.

Le plus étonnant est que les causes/raisons du mal-être au travail dans le tertiaire, bien que déjà constatées dans le secondaire (industrie automobile notamment), sont reproduites à l’identique.

Avec l’avènement au 19ème de l’Organisation Scientifique du Travail (Taylorisme, Fordisme, post Taylorisme….), les salariés de l’industrie ont massivement ressenti cette disparition du sens accompagnée par un sentiment d’inadaptation dans l’exercice de leur activité. Aujourd’hui, avec 91% de salariés désengagés, nombreux sont ceux qui font le rapprochement entre Lean Management (et ses “cousins”, six sigma, poka-yoke, kaïzen ou encore « 5 S ») et l’OST.

Le mal-être au travail est l’expression du conflit entre le système de représentation de la personne et les injonctions, formelles et informelles (culture du groupe, de l’entreprise) auxquelles elle doit faire face dans le cadre de son activité professionnelle. Les symptômes du stress apparaissent lorsque l’aptitude à s’adapter de l’individu est insuffisante pour lui permettre d’exercer ses fonctions sans renier ses valeurs,.

Les deux sources majeures de perte de contrôle par le salarié sur le déroulement de son quotidien sont, d’une part, l’accélération et complexification grandissante de nos sociétés en général, du travail en particulier (afflux massif du digital) et, d’autre part, le foisonnement des processus, toujours plus prégnants (normalisation et judiciarisation).

L’individu peine à donner du sens à son action et voit de moins en moins qu’elle est sa marge de manœuvre face à :

  1. des changements incessants, reflet d’une gestion “court-termiste” des situations sans s’inscrire dans une stratégie,
  2. la dilution des responsabilités dans des processus tellement désincarnés que le respect du déroulement procédural prime sur l’effet à produire : la procédure prime sur l’intelligence situationnelle (pensez à toutes ces situations absurdes dans lesquelles les parties savent que ce qui est demandé n’a aucun sens, mais c’est écrit).

Si l’on veut lutter efficacement contre la souffrance au travail, nous devons recréer des espaces de libertés dans lesquels le collaborateur pourra s’exprimer, exister en tant qu’individu doué de raison, reprendre le “contrôle”, être acteur et non plus spectateur de sa vie au travail. Robert Linhart décrit très bien dans son ouvrage L’établi comment certains utilisent la transgression pour regagner des espaces de libertés dans l’univers ultra contrôlé du travail à la chaine.

La meilleure métaphore de cette posture serait une chaussure, symbole de la stratégie de l’entreprise, de l’effet à produire. Partant du postulat que nous portons tous le même modèle (objectif commun), vu de l’extérieur elles se ressemblent toutes. En revanche, un moulage de l’intérieur ferait apparaitre les différences liées à la morphologie de notre pied, notre masse pondérale, notre façon de marcher… autant d’expressions de nos différences, mais tout en garantissant un aspect identique.

Face au complexe, il est de plus en plus difficile de définir, décliner une stratégie; c’est ici que l’intelligence collective entre en jeu. Cette approche est très efficace pour traiter l’absentéisme car elle s’appuie sur deux logiques : la théorie de l’engagement et le paradoxe.

Si l’on prend l’exemple d’une réunion de réflexion collective (se poser des questions puis co-construire des solutions), elle contribue à un engagement fort et garantit un effet sponsor durable (long terme) dans la mise en œuvre des décisions qui émergeront.

Quant au paradoxe, il est porté par le processus et la méthodologie même de la méthode Synergy4 :

  • pluridisciplinarité et diversité des participants
  • prise de parole à tour de rôle (tours de table)
  • disparition (temporaire) des hiérarchies
  • absence de décisions en séance

Le cadre méthodologique est d’autant plus efficace qu’il est autoporteur. Il porte en son sein les ressorts de son succès et ne nécessite aucune compétence particulière des participants. La rigidité procédurale est un vecteur de réussite donnant lieu à une émergence à la fois créative et ordonnée (chaordique).

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Un grand merci à Emmanuel Balland pour sa contribution.

“Celui qui a du plaisir au travail n’aura jamais plus à travailler” Lao Tseu

Prochaines conférences : http://www.excellence-decisionnelle.com/2020/09/11/conferences-excellence-decisionnelle/

Prochaines formations : http://www.excellence-decisionnelle.com/2020/03/21/sprint-digital/

Author: Olivier Zara

https://www.linkedin.com/in/olivierzara/

2 thoughts on “L’intelligence collective, le chausse-pied du bien-être au travail ?”

  1. @Emmanuel

    Intéressant votre métaphore de la chaussure !

    Je partage complètement l’idée que le Lean Management est la forme la plus aboutie actuelle de l’OST.
    D’ailleurs, avec le Lean, j’aime bien mettre en exergue le paradoxe suivant :

    Le Lean est souvent présenté comme une approche ancrée dans le paradigme de la collaboration, voire de l’intelligence collective. Aussi, une réponse formidable pour traiter les sujets complexes.
    Certes, le Lean est une approche collective qui peut, dans certains cas, mobiliser des séquences d’intelligence collective.

    Cependant, le Lean est bien ancré dans le paradigme mécaniste, notamment parce que sa raison d’être, est d’optimiser le fonctionnement d’un système connu. Ceci en chassant les gaspillages.
    Donc, si des séquences collaboratives sont mises en œuvre, c’est pour traiter des situations compliquées, pas complexes !

    En effet, pour appréhender les situations, il est nécessaire d’identifier et de générer des marges de manœuvre qui permettront l’agilité du système, de réfléchir et de décider en situation selon les situations qui ne peuvent être prévisibles. Ainsi, le fonctionnement et la performance d’un système complexe ne sont pas connus contrairement à ceux d’un système compliqué.
    Ici, les séquences de management de l’intelligence collective servent au minimum à identifier des marges de manœuvre, à développer la performance du système complexe. Dans une vision managériale plus globale, l’intelligence collective crée les conditions favorables aux flux d’information et à l’engagement des collaborateurs et de tous les acteurs de l’écosystème qui permettent d’identifier les signaux faibles, de réfléchir malgré les nombreuses incertitudes et de prendre, en situation, les décisions nécessaires à la vitalité du système, son agilité et sa performance globale.

    J’en reviens à votre métaphore sur la chaussure… :
    Comment les pratiques du Lean, qui viseraient à optimiser cette chaussure, admettons de la former exactement au pied du “système”, pourrait garantir un confort et une performance optimale à l’organisation qui grandirait des pieds, qui lors d’un effort particulier gonflerait un peu, qui s’aventurerait en dehors des sentiers battus ou se mettait à faire du sport ou de la haute montagne ?

    J’en ai mal au pied pour nos Lean-Organisations qui s’aventurent en environnement complexe !

    😉

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