Si vous faites la différence entre concevoir une décision et prendre une décision, vous êtes sur le chemin de l’excellence décisionnelle. Si ce n’est pas le cas, le syndrome de la tour d’ivoire vous guette.
Concevoir une décision
Cela consiste à co-construire une décision avec ceux qui vivent le terrain, c’est-à-dire les personnes qui vont exécuter ou qui seront impactées par la future décision. Un chef ou un comité de direction voit le terrain, est sur le terrain, mais ne pourra jamais vivre le terrain. Ce n’est pas parce que vous êtes une femme ou un homme de terrain que vous vivez le terrain (cf. l’iceberg de l’ignorance). Si vous traitez un sujet complexe et que vous êtes en position hiérarchique, vous êtes de facto dans une tour d’ivoire par la nature même de vos fonctions.
La co-construction favorise l’hybridation et permet l’émergence d’une solution qui n’était dans la tête de personne au début de la réunion. Une solution est hybridée quand elle trouve le point d’équilibre entre toutes les contraintes exprimées par toutes les parties prenantes.
Si vous avez des problèmes dans l’implémentation de vos décisions, cela signifie que vous n’avez pas atteint ce point d’équilibre. Ceux qui n’ont pas été écoutés dans la conception de la décision se feront “entendre” dans la phase de mise en œuvre : résistance, mauvaise volonté, lenteur, interprétations… Chaque contrainte ignorée va s’inviter tôt ou tard dans les opérations et nuire gravement à l’excellence opérationnelle. Vous allez courir beaucoup moins vite que prévu. Dans la durée, ce déficit de co-construction et d’hybridation va créer un environnement de travail toxique qui conduira à des problèmes d’attractivité et de rétention des talents.
La conception d’une décision se fait à l’aide de 3 boites à outils selon que la situation est simple, compliquée ou complexe. Si vous pensez qu’une situation compliquée est dure et que complexe signifie que c’est très dur, vous ne pourrez pas atteindre l’excellence décisionnelle. Pour les situations complexes, je vous recommande 15 outils plutôt que le mur de post-it, le World café ou le ping-pong verbal, des techniques populaires, simples, naturelles, mais incapables de limiter l’impact négatif de nos 188 biais cognitifs et qui conduisent donc à des décisions irrationnelles sur les sujets complexes.
Prendre une décision
Prendre une décision signifie assumer une responsabilité. Ce n’est pas un super pouvoir, un statut, une marque d’autorité ou une statue ! Cela signifie simplement que l’organisation se tournera vers vous pour vous féliciter en cas de réussite et vous sanctionner en cas d’échec.
Le risque de sanction crée une peur de l’échec. Cela conduit malheureusement au concept de co-décision, alors même que l’on est seul responsable. La co-décision ou décision collective est un outil de gestion de carrière et non une méthode de management. Elle permet simplement de s’attribuer le mérite en cas de réussite, puisqu’on reste seul responsable, et de rejeter la faute sur le collectif en cas d’échec. Les conséquences sont plus graves pour l’organisation, car lorsque tout le monde est responsable, plus personne n’est en réalité responsable. La formule est simple : décision collective = irresponsabilité collective. Si vous confondez intelligence collective et décision collective, vous ne pourrez pas atteindre l’excellence décisionnelle.
Vous remarquerez qu’un chef décide toujours seul quand il est sûr à 100% de la réussite et commence à chercher des consensus et proposer une décision collective quand il a un doute.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la création de valeur d’un manager n’est pas dans la conception d’une décision, mais dans la prise de décision. Voici la liste des actions reliées à une prise de décision, à adapter selon que la situation est simple, compliquée ou complexe :
- Identifier les sujets, les défis, les problèmes à traiter : tous les cailloux dans les chaussures de vos collaborateurs. Il s’agit aussi de mesurer le niveau d’obsolescence de vos décisions passées sur des enjeux collectifs.
- Choisir, hiérarchiser ce qui est urgent et important.
- Choisir les personnes ou entités qui vont co-construire la future décision : ceux qui vivent le terrain.
- Choisir la boite à outils pour l’animation de la réunion ou du processus décisionnel en fonction de la situation (simple, compliquée ou complexe).
- Animer la ou les réunions de co-construction en parlant en dernier pour éviter le biais d’autorité, en écoutant (savoir se taire alors qu’on voudrait parler… oui, c’est douloureux) et en créant un espace d’échanges sécurisé (sécurité psychologique) avec la technique du feed-forward afin de prendre une décision éclairée (éviter l’auto-censure, le politiquement correct, le pseudo-consensus).
- Rédiger un projet de décision.
- Organiser un sondage pour recueillir du feedback sur ce projet de décision.
- Ajuster ce projet de décision en fonction des résultats du sondage.
- Décider en cherchant le point d’équilibre entre toutes les contraintes exprimées par toutes les parties prenantes grâce au travail d’hybridation durant la co-construction. La quantité de problèmes à gérer dans l’implémentation de la décision vous dira si vous avez trouvé ce point d’équilibre.
- Décider en fonction du principe de subsidiarité : qui est responsable ? Si vous êtes seul responsable, vous déciderez seul, mais éclairé par l’intelligence collective. Vous n’avez juridiquement pas le droit de co-décider, d’organiser une décision collégiale ou collective si vous êtes seul responsable !
Prendre une décision demande finalement plus de temps que de concevoir une décision ! J’invite donc les décideurs à la paresse, laissez la conception de la décision aux parties prenantes et à leur intelligence collective. Ils vivent le terrain tandis que les décideurs voient le terrain.
sortir de la confusion pour sortir de la tour d’ivoire !
Quand on confond la conception d’une décision qui mobilise forcément un collectif et la prise de décision, on risque de considérer le collectif comme un danger, puisqu’il pourrait revendiquer le droit de participer à la prise de décision. Cela peut donc générer le faux participatif : je conçois une décision seul, j’organise une réunion pour amender légèrement cette décision, puis je décide. Nous avons l’origine de l’expression : le chef pense, les collaborateurs exécutent.
D’un côté, nous avons des participants frustrés parce qu’ils n’ont pas pu exprimer leurs contraintes et qu’ils risquent donc de courir dans la mauvaise direction. De l’autre, nous avons des décideurs effrayés de perdre leur légitimité en acceptant d’hybrider leurs idées avec celles de ceux qui vivent le terrain dans les strates inférieures de la pyramide hiérarchique.
Quand vous faites la différence entre concevoir une décision et prendre une décision, vous n’avez plus peur de perdre votre autorité et vous pouvez consacrer votre énergie là où se trouve votre création de valeur managériale : la prise de décision.
La pire des choses qu’on puisse faire à ses collaborateurs et aux parties prenantes d’une décision est de ne pas les écouter et ainsi se mettre en incapacité de trouver le point d’équilibre entre toutes les contraintes. Les difficultés dans l’implémentation d’une décision sont souvent l’aveu d’un échec dans la conception d’une décision. Un autre chemin s’ouvre à vous : prendre une décision !
En résumé, ne pas confondre :
- Simple, compliqué et complexe pour utiliser la bonne boite à outils
- Intelligence collective et décision collective qui éviter l’irresponsabilité collective et la gestion de carrière
- Concevoir une décision et prendre une décision qui conduit à la tour d’ivoire
Les contenus de cet article sont extraits du livre : L’excellence décisionnelle.
Mise en perspective sur les décideurs politiques
Les managers ont intérêt à chercher un point d’équilibre entre les contraintes exprimées par les parties prenantes parce que cela évitera que le rêve dans la conception d’une décision devienne un cauchemar dans l’exécution, rendant difficile l’atteinte de l’excellence opérationnelle. Si un manager ne fait pas courir son équipe assez vite, il risque sa place. En supposant qu’un manager se moque du bien commun, il doit quand même s’assurer de ne pas compromettre l’avenir de l’organisation qui paye son salaire à la fin du mois.
En revanche, les décideurs politiques et les élus n’ont pas ce problème et ils ont souvent tout intérêt à ne pas chercher ce point d’équilibre, celui qui correspond au bien commun ! Dans notre société, il n’y a pas que la lutte des classes. Nous assistons chaque jour dans la vie politique à la lutte des places. Pour garder sa place, il vaut mieux que le bien commun soit le plus proche de celui de son électorat. Si les retraités votent plus que les jeunes, il est préférable de creuser le déficit et de transmettre la facture aux générations futures. Si mon électorat est à gauche, il faut faire payer les riches. Si ce sont les riches, il faut baisser les impôts.
Cependant, il ne faut pas généraliser. Certains dirigeants politiques refusent de faire du marketing politique et de la démagogie pour faciliter leur réélection. Comme nous souhaiterions qu’ils soient plus nombreux, je propose 8 innovations démocratiques décrites dans mon livre L’excellence démocratique. Elles visent à garantir que les élus cherchent réellement le point d’équilibre qui correspond au bien commun au lieu de mettre leur énergie dans la lutte des places !
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>>> Formation sur l’excellence décisionnelle : la clé du succès dans l’excellence opérationnelle. Pour vous inscrire…
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