Les réunions : c’est fini !

Marre de la réunionite ? Et si vous passiez au Zéro-Réunion. L’idée vous rappelle sûrement le projet de Thierry Breton, PDG d’Atos, qui a lancé en février 2011 le défi “Zéro-Email” pour éradiquer l’email des outils professionnels en trois ans.

Le constat est simple : on ne peut pas augmenter l’usage d’un réseau social d’entreprise si on ne diminue pas l’usage des emails …et le nombre de réunions. Quand vous avez terminé de traiter vos emails à 19h, il est trop tard pour aller sur Yammer & Co ! Vous passez en moyenne 3 jours sur 5 en réunion alors cela ne vous donne pas envie d’utiliser les 2 jours restants à faire des réunions virtuelles. L’objectif n’est pas forcément de réduire le volume d’informations, mais de les traiter avec des outils adaptés. On appelle cela : “le bon outil pour le bon usage”. Quel est le bon usage d’une réunion ? d’un email ?

Malheureusement, des habitudes de travail se sont ancrées pendant des années. Ainsi, l’email est le tout-en-un, le couteau suisse de la collaboration digitale. Ensuite, les éditeurs de réseaux sociaux vous forment à l’usage technique de l’outil, vous assomment avec des schémas (type table périodique), des incantations à base de vidéos type “les autres le font et vous ?”, “Allez-y, lancez-vous !”… Si vous résistez, vous aurez droit au quizz de diagnostic de votre maturité digitale. En théorie, vos mauvais résultats devraient vous pousser à embarquer dans le digital. En pratique, les chats qui sautent dans une piscine sont plutôt rares. La peur du digital ne se soigne pas avec un quizz. Pour faciliter leur digestion, les incantations vidéos et les quizz sont enrobés de business cases ou de use cases (exemple d’usages). Ils sont parfois présentés ainsi : si vous êtes à ce poste et que vous faites ça pour résoudre ce problème alors utilisez cet outil. Ces arborescences sont si précises qu’on finit par tomber de l’arbre. Malheureusement, avec les use cases, vous débranchez votre cerveau et vous êtes en route vers le flop parce qu’il est difficile de rattacher son cas particulier à un cas général. Dès que vous décontextualisez un cas, vous le tuez. Les cas devraient servir à inspirer, mais pas à agir ou décider. Un cas ne vaut pas grand-chose sans une analyse holistique et systémique du contexte.

Ensuite, la transformation digitale, incluant les nouvelles méthodes de travail, ne consiste pas simplement à changer des habitudes de travail, mais aussi à changer de paradigme (sa vision du monde). Cela implique :

  1. d’abandonner le paradigme taylorien du chef qui pense et des collaborateurs qui exécutent. Un réseau social d’entreprise crée de la transparence, de l’intelligence collective et de la transversalité. Il faut accepter de lâcher-prise. Cela va à l’encontre du mode contrôle d’un manager taylorien. Il n’embarque pas parce qu’il se pose cette question : est-ce que je serais toujours légitime si mon équipe a de meilleures idées que moi ? La réponse est oui, mais cette réponse est incompréhensible dans un univers taylorien qui a sa propre logique. Certains managers utilisent les réunions comme un moyen d’exister en tant que chef alors ils les multiplient.
  2. de composer avec le paradigme latin : un monde dans lequel un VRAI échange se fait uniquement en face à face dans une réunion et non seul à son bureau devant un champ de saisie dans un forum de discussion. Dans une culture latine, on aime les repas qui durent 2h. Ce n’est pas seulement pour la dopamine du plaisir de manger, mais aussi pour le plaisir d’échanger. Débattre, faire des controverses donne du plaisir. Plus on fait de réunions, plus on se fait plaisir !

On ne change pas des habitudes de travail et encore moins un paradigme en mode incantations, digital champions, use cases… Du coup, de nombreux collaborateurs utilisent principalement le réseau social comme un remplaçant des disques réseaux partagés. Le réseau social devient un réseau documentaire. Pour savoir où vous en êtes dans votre organisation, il suffit de répondre à ces deux questions : est-ce que votre réseau social ressemble à une base documentaire sur une interface plus moderne ? La dimension sociale, conversationnelle est-elle centrale ou secondaire dans les usages ? Selon votre réponse, vous saurez si vous êtes sur le point de réduire le nombre des emails et surtout des réunions !

À l’origine, les emails étaient censés contribuer à la réduction du nombre de réunions. Ce n’est pas le cas, mais avec un réseau social d’entreprise (Office365, JIVE, IBM Connections, Workplace…) et d’autres logiciels spécialisés, nous avons une nouvelle chance de réduire le nombre de réunions voire de les supprimer. Vous avez bien lu “supprimer”. Une utopie ? Oui, sauf si vous lisez cet article qui vient d’être publié dans le journal Les Échos : Alan, la startup sans manager, sans négo salariale, sans réunion

Dans cet article, vous verrez une utopie devenir réalité. On y découvre Alan, une jeune société qui propose une assurance santé pour les indépendants et les entreprises. Elle est en pleine croissance : son chiffre d’affaires a bondi de près de 650% en 18 mois pour atteindre 26 millions d’euros début juin ; 16 salariés il y a 18 mois, 100 aujourd’hui et 175 salariés d’ici la fin de l’année. Mais, Alan est surtout au sommet de l’innovation managériale et RH (recrutement, négociation salariale, congés…). Cette entreprise a en particulier éradiqué les réunions (en tout cas pour le moment !). Pour parvenir à ce miracle, elle utilise des technologies sociales dans une dynamique principalement conversationnelle et non documentaire. Voici un extrait de l’article :

“Nous estimons que les réunions ne sont pas efficaces, car elles bloquent les agendas et font perdre un temps fou à tout le monde. Nous fonctionnons énormément à l’écrit et utilisons les issues sur GitHub pour chaque sujet qui mérite d’être discuté en profondeur. Cela permet à l’owner d’exposer sa problématique, donner le contexte, proposer une solution et à chacun de participer à la discussion lorsqu’il en a le temps.”

Adieu le paradigme taylorien chez Alan puisqu’il n’y a pas de managers. Bienvenue dans le monde des owners ! J’avoue que j’aime beaucoup le terme de owner (pardon à mes amis québécois), car il renvoie à l’idée de responsabilité – fondement de la légitimité managériale (selon moi). Les Anglais ont un terme plus puissant : accountable.

Avec 100 salariés aujourd’hui chez Alan, j’imagine que tout va bien. On verra dans la durée si cela fonctionne avec 500 ou 1000 salariés. Peut-être que certains owners deviendront managers… Mais, l’entreprise a compris le plus important : ce n’est pas une question de statut, de pouvoir, mais de responsabilité et d’excellence à la fois opérationnelle et décisionnelle. Le changement de terminologie a du sens pour marquer les esprits.

Quant au paradigme latin (importance accordée au contact, au face à face), il n’est pas mort, mais il n’est pas non plus le centre du monde. Les fondateurs d’Alan ont compris que le digital n’est qu’un moyen qui s’articule avec d’autres sans les effacer. Il s’agit donc d’enrichir la culture latine, de l’hybrider.

Alan a réussi un autre exploit : aucune décision collective ! Pourtant, on pouvait imaginer que l’abandon des réunions et la suppression des managers conduiraient mécaniquement à l’entreprise démocratique (rêve de la sociocratie). Au lieu de cela, Alan applique purement et simplement le principe de subsidiarité… dans une dynamique d’intelligence collective (on est proche du nirvana). Voici un extrait de l’article sur ce point :

“Le fait de ne pas avoir de manager n’empêche pas de prendre des décisions pour avancer : pour chaque sujet, il y a un “owner” bien défini qui est chargé de prendre la décision finale après avoir exposé ses points de vue, les solutions proposées et recueilli en interne les avis d’autres personnes. N’importe qui peut challenger les propositions afin d’apporter des éclairages ou opinions différentes, mais ensuite seul l’owner prend la décision.” 

L’innovation RH pour de VRAI !

Ce que je lis dans l’article Les Échos est remarquable et il fera plaisir à de nombreux Corporate Hackers qui sont fatigués d’agir en mode armée des ombres (ils se cachent). Mais, comme je le disais au début de ce billet, attention aux business cases qui sont à la fois concrets et dangereux, car ils vous incitent à débrancher votre cerveau. On en raffole alors ils s’empilent dans les livres, les formations et la presse pour vous pousser parfois à l’action et souvent dans le mur si vous ne rebranchez pas vous-même votre cerveau collectif. Regardez Alan comme une source d’inspiration. Si vous copiez ce modèle sans avoir effectué une analyse holistique et systémique du contexte de l’entreprise (culture, métiers, industrie…), vous serez frappé par le syndrome de l’entreprise libérée Le syndrome est simple : puisque cette entreprise s’est libérée comme ça, qu’attendez-vous pour faire pareil ?

Alan explore de nouveaux modèles organisationnels qui seront un jour la norme (je le souhaite, je l’espère). Son ADN est adapté à notre monde, elle n’a pas besoin de se transformer ! Pour les autres, la route est encore longue.

En attendant la fin des emails et/ou des réunions, je vous propose une approche centrée sur l’excellence opérationnelle digitale. L’objectif est de passer d’une approche productivité individuelle technocentrée (l’outil est le centre du monde avec du e-learning, des use cases, des vidéos) à une approche Team Building Digital (l’équipe est le centre du monde). Il s’agit de co-construire avec son équipe une architecture collaborative digitale.

Les outils sont devenus tellement faciles à utiliser que le point de blocage n’est pas dans la maîtrise technique des outils, mais dans la co-construction d’une dynamique collective où l’on va répondre à une question très simple : que faisons-nous en face en face et que nous devons continuer à faire en face à face ? Que faisons-nous en face à face et que nous pourrions faire plus efficacement en mode digital ? Si oui, avec quels outils, à quel moment, dans quels processus, avec qui ? En résumé, il ne s’agit pas de passer d’un extrême à l’autre, du tout face à face au tout digital, car la clé du succès dans le digital… c’est le face à face !

Si vous voulez découvrir une autre approche dans votre stratégie de transformation digitale sur la dimension efficacité collective & pratiques managériales, je serais heureux de vous rencontrer en face à face lors d’une prochaine formation à Montréal ou à Paris !

Pour conclure ce billet, je peux enfin vous révéler le vrai titre de ce billet. En attendant d’avoir un ADN et une culture d’entreprise compatible avec celle d’Alan :

Les réunions (trop longues et trop nombreuses) : c’est fini grâce à l’excellence opérationnelle digitale (= digital conversationnel) !

Merci à mon ami Marc Weltmann pour sa contribution.


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Author: Olivier Zara

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