7 idées pour comprendre le bonheur au travail sous l’angle de l’absentéisme

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L’absentéisme est souvent important dans les organisations dysfonctionnelles. Elle est le symptôme de la souffrance au travail. Le moins de temps, on passe au travail, le mieux on se porte ! Le bonheur au travail, c’est finalement quand on n’y est pas…

Selon l’étude du Cabinet Alma, en 2014, les coûts directs et indirects de l’absentéisme pour le secteur privé français s’élèvent à 60 milliards d’euros pour un taux d’absentéisme de 4,6%. Pour le secteur public qui pèse 278 milliards de masse salariale, si les modalités de calcul sont un peu différentes, le taux moyen d’absentéisme de 8,7% pour l’année 2014 représente un coût de 24 à 30 milliards d’euros.

Dans ce billet, nous vous proposons 7 idées pour comprendre le bonheur au travail à travers la question de l’absentéisme. L’auteur de ce billet est Stéphane Durand, un ami et partenaire depuis plus de 10 ans. Il dirige Synergies et Développements Consulting, un cabinet de conseil spécialisé dans la gestion de projets complexes. C’est à l’occasion d’une récente mission sur le thème de la gouvernance qu’il a pris sa plume pour partager sa vision.

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Synergies et Développements Consulting accompagne des maitrises d’ouvrage dans la gouvernance de projets d’aménagement du territoire (infrastructures de transport ou politiques publiques par exemple). Nous devons engager de multiples parties prenantes. Nous cherchons donc à développer des relations de qualité car nous savons que dans la complexité et l’incertitude, la qualité des relations et la satisfaction de chacune des parties prenantes sont les conditions essentielles pour la réussite de ces projets.

Nous avons récemment contribué à la facilitation d’une réunion de réflexion collective sur le sujet du « bonheur au travail » sur fond d’absentéisme dans une organisation de 800 personnes. L’organisation souhaitait mettre un terme au mal-être au travail qui, au-delà des coûts induits par un fort taux d’absentéisme, pose la question du sens du travail pour les collaborateurs et ronge le potentiel de performance d’une organisation.

Suite à cette mission, j’ai eu l’envie de partager mes constats. Mon objectif est d’ouvrir de nouvelles perspectives pour les organisations au pied du mur. Celles qui ont déjà « tout essayé ou presque » sans succès et qui recherchent de nouvelles pistes concrètes. Après des années de R&D, d’expérimentations, d’échecs et de réussites, j’ai perdu la croyance qu’il était possible de transformer une organisation en travaillant directement sur les éléments de sa culture et sur les compétences des managers. Ces leviers apportent un peu de réconfort mais ne sont plus des solutions efficaces pour répondre aux enjeux vitaux de nos organisations.

Dans le même temps, j’ai observé que la transformation d’une culture, d’une organisation et des comportements managériaux résultait des missions réalisées quotidiennement par les collaborateurs.

  1. Ne pas se tromper de sujet

L’absentéisme, l’accidentologie, la démotivation ou le désengagement ne sont pas les problèmes à régler. Ce sont les symptômes d’un problème lié à la pénibilité physique et psychique du travail, le mal-être au travail.

  1. Les causes du mal-être au travail

Le mal-être a plusieurs causes que l’on peut classer en deux grandes catégories :

  • Des facteurs d’insatisfactions ou de difficultés liées à son environnement de travail, aux méthodes ou aux outils utilisés. Chacun a une perception différente de ses propres critères de satisfaction selon son métier, sa culture, son histoire ou son environnement. Chacun a donc sa propre définition du mal-être au travail.
  • Des relations avec son manager, ses collègues, ses clients ou ses fournisseurs et plus globalement la culture managériale de l’organisation dans laquelle on travaille.
  1. Travailler sur les causes du mal-être : un combat perdu d’avance
  • Vouloir comprendre les causes, les racines d’un mal-être personnel pour chacun des collaborateurs nécessiterait de coacher toutes les personnes de l’organisation pour identifier leurs visions personnelles du bien-être au travail (vision qui peut évoluer selon l’âge, la situation de famille et de multiples facteurs).
  • Transformer une culture managériale, ce sont des années de conduite du changement et de formation des managers à de nouvelles pratiques et postures managériales. On parle aussi de développement personnel des managers. Sans compter qu’au fil des années, les besoins peuvent évoluer et que l’organisation pourrait à nouveau devoir transformer sa culture !
  1. De la conduite du… à la professionnalisation au…changement !

Lorsque c’est la crise, les cols blancs imaginent des solutions, parfois avec quelques cols bleus. Ils prennent de grandes décisions et accompagnent les cols bleus pour mettre en oeuvre ces solutions. L’accompagnement ou conduite du changement consiste à aider des personnes et des groupes à faire évoluer leurs pratiques et comportements en partant d’une situation A pour arriver à une situation B.

A l’inverse, si les cols bleus devenaient acteurs dans la gestion de leurs besoins de changement, les cols blancs auraient moins de crises à gérer. Il s’agit de mettre en place une professionnalisation au changement résultant de la mise en place de nouvelles pratiques d’intelligence collective. Elle permet d’adapter une organisation aux évolutions permanentes de son écosystème : une micro-transformation au quotidien.

L’objectif est simple : des cols bleus heureux & des cols blancs sereins !

  1. Limiter les risques ou développer la performance et l’agilité ?

Depuis au moins deux décennies, la très large majorité des études scientifiques et expérimentales sur le sujet montrent et démontrent que le bonheur au travail est un levier prépondérant pour développer la performance et l’agilité des organisations. Chercher des solutions aux causes du mal-être au travail revient à donner du paracétamol à un malade infecté par un virus. La fièvre tombe puis revient, car le paracétamol n’a aucun effet sur un virus.

Les démarches de médiation ou RPS (risques psychosociaux) sauvent des vies en évitant d’atteindre le point de rupture fatal. Mais, elles n’agissent en rien sur la performance et l’agilité des organisations. Souhaitez-vous soulager votre fièvre organisationnelle ou vacciner votre organisation contre le virus de l’absentéisme et de la souffrance au travail ? Souhaitez-vous travailler sur l’absentéisme ou sur le plaisir au travail ?

Si vous souhaitez traiter la source plutôt que le symptôme, il est préférable, comme nous l’avons dit, de ne pas chercher les origines du mal-être à travers des sujets transverses tels que les horaires de travail, l’organisation ou les leviers de la reconnaissance.

Il est important de privilégier des problèmes opérationnels (les cailloux dans les chaussures) sur des périmètres limités. Pour cela, vous pouvez organiser une réflexion collective sur l’environnement de travail, les méthodes et les outils dans un poste de travail ou un service.

  1. Dépenser ou investir ?

Si le coût de l’absentéisme fait débat, il est communément admis que les coûts directs et indirects de 1% d’absentéisme représentent 1% de masse salariale pour le secteur public et 1,87% pour le secteur privé. Pour une organisation publique de 1000 personnes, 10% d’absentéisme au salaire moyen français peut représenter un coût d’environ 4 à 6 millions d’euros pour le secteur public et 10 millions d’euros pour le secteur privé. Au-delà des coûts financiers, il y a d’autres coûts managériaux et commerciaux (satisfaction client) induits par la désorganisation, la baisse de performance des collaborateurs, la perte des connaissances ou d’agilité. Il y a enfin l’augmentation des cotisations sociales induites par l’augmentation des coûts de santé.

Si une organisation investissait 1 million d’euros par an pour améliorer l’environnement de travail, les méthodes et les outils au quotidien et réduisait de seulement 1 à 2% l’absentéisme par an, le coût serait nul à la fin de l’année en termes financiers. En revanche, le gain immatériel en termes d’engagement et de performance serait très fort. Et au-delà de 2%, l’organisation commencera à gagner de l’argent !

  1. Les organisations hiérarchiques ne savent pas organiser la collaboration

Depuis quelques années, la pratique consiste à mobiliser des collectifs dans des réunions pour faire réfléchir ensemble des personnes et trouver de nouvelles solutions. Or, le modèle hiérarchique repose sur une idée : organiser le travail de sorte que ce qui est décidé soit exécuté. La réussite repose sur l’ordre et le contrôle.

Est-il raisonnable de croire que des collaborateurs habituellement en responsabilité d’exécuter des ordres, des méthodes, des procédures puissent naturellement être à l’aise dans des processus de réflexions individuelle ou collective ? Qui plus est quand c’est un manager qui pose le débat ? La réponse est non.

Les démarches classiques de conduite du changement cherchent à transformer la culture par l’information, la formation et le développement des managers. Or, pour travailler sur la culture, il est nécessaire de lever les freins culturels, en particulier les croyances. Pour accepter de remettre en question ses propres croyances, il est nécessaire de vivre des expériences contre-culturelles et donc contre-naturelles.

Par exemple, si je pense ne pas aimer manger des insectes, pour le savoir vraiment, j’ai besoin de goûter des insectes. Si je ne croise jamais d’étrangers, j’ai peur des étrangers. Ces phénomènes sont bien connus des praticiens en thérapie brève issus de l’approche systémique. Le praticien confie une tâche à son patient qui s’engage à la réaliser. Réaliser cette tâche fait vivre au patient une expérience contre-culturelle qui fait évoluer ses croyances.

Pourquoi ne pas tenter une démarche renversée par rapport aux approches classiques ? La mise en œuvre de méthodes spécifiques conçues pour développer l’intelligence collective permettant de vivre une expérience et d’obtenir des résultats tangibles. Étant donné qu’une méthode n’a pas de culture, il n’est donc pas nécessaire de travailler sur ses croyances pour qu’elle soit efficace !

Il existe de telles méthodes, notamment celles développées par Olivier Zara, qui permettent pour des sujets complexes d’obtenir de résultats d’une qualité incomparable à ceux qu’il est possible d’obtenir avec les méthodes classiques d’animation de réunions.

L’objectif est donc de transformer une culture, des comportements, des pratiques par la conduite quotidienne d’actions opérationnelles qui développent la performance et l’agilité de l’organisation tout de suite… pas dans dix ans !

Pour conclure ce sujet complexe du plaisir au travail, je vous invite à méditer cette citation d’Ozon Liniorence : « Depuis que je crois que je ne sais pas, j’en sais plus que ceux qui croient savoir ! »

Je remercie Olivier Zara pour notre collaboration à l’écriture de ce billet ainsi que les précieux relecteurs tels que Emmanuelle Blanc Frison (Enova Consulting), Guillaume Gille (G2MP) et mes collaborateurs, Leila Balme et Mickael Beaume.

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Un grand merci à Stéphane Durand pour sa contribution. La suite de ce billet est ici :

L’intelligence collective, le chausse-pied du bien-être au travail ?

Prochaines conférences : http://www.excellence-decisionnelle.com/2020/09/11/conferences-excellence-decisionnelle/

Prochaines formations : http://www.excellence-decisionnelle.com/2020/03/21/sprint-digital/

Author: Olivier Zara

https://www.linkedin.com/in/olivierzara/

5 thoughts on “7 idées pour comprendre le bonheur au travail sous l’angle de l’absentéisme”

  1. Merci Stéphane pour cette contribution inspirante et éclairante ! Je voudrais compléter ton propos avec quelques idées en reprenant les numéros de tes points (pour situer le contexte de mes remarques) :

    Point 1
    L’absentéisme est une réponse de retrait reflétant l’échec des stratégies d’adaptation mises en œuvre par l’individu. Il n’arrive pas à réconcilier son système de valeurs/croyances avec les injonctions de l’entreprise. Les ressentis exprimés sont dans le registre du sentiment d’inadaptation et de la perte de sens.

    Point 4
    Les cols blancs doivent se limiter à designer la cible à atteindre et y allouer les ressources nécessaires. Il reste à la charge des cols bleus de co-construire la solution pour l’atteindre dans la limite des moyens alloués par les cols blancs.

    Point 5
    Nous sommes dans le même paradigme que Psychanalyse vs Thérapies brèves.

    L’objet de la psychanalyse : “traiter les causes profondes”.
    La méthode : analyse du management ; émergence des causes multiples de l’absentéisme ; prise de conscience des changements à opérer ; changement.

    L’objet des thérapies brèves : “supprimer les comportements inadaptés”.
    La méthode : identification de l’absentéisme ; prescription de conduites contre-culturelles (sans en expliquer les ressorts) ; disparition des comportements

    1. @Emmanuel

      Merci pour votre commentaire qui enrichi ma contribution !

      Point 1 : Je partage en modérant légèrement le caractère exhaustif de votre réponse car dans un périmètre absolu, l’absentéisme peut avoir des causes externes au travail. Cependant, il est vrai que de manière systémique, les conditions de vie au travail peuvent interagir sur des facteurs qui peuvent paraître exogènes comme les maladies graves ou les problèmes familiaux.

      Point 4 : Complètement… lorsqu’ils sont en mode management collaboratif. Il reste des cas où un management directif a du sens. Aussi, les “cols blanc” disposent de leur propre intelligence situationnelle qui mérite d’être adjointe à la réflexion. Reste l’articulation délicate à trouver et en cela, les méthodes d’Olivier permettent très facilement, voire même sans s’en rendre compte, de créer cet équilibre entre management directif et management collaboratif.

      Point 5 : Yes !

      Dans mon monde idéal, l’organisation met en synergie les deux approches.
      J’utilise l’approche classique par les causes en particulier pour travailler sur le niveau de conscience des managers de ce qui ne fonctionne pas.
      Non pas dans l’idée de résoudre les causes mais plutôt dans l’optique, avec une approche qu’ils connaissent, d’alimenter la réflexion et d’identifier notamment, les “tentatives de solutions” qui ont échouées. J’utilise aussi nos méthodes “GovX” (systémique, holistique, dynamique, fonctionnelle, champs d’influence) qui nous permettent d’avoir d’autres clés de lecture.

      Une fois le constat de “toujours un peu plus de la même chose” posé en conscience, alors je pose la question : alors, que voulez-vous faire…? Continuer comme vous le faites depuis des années pour obtenir le même résultat, où vous voulez obtenir des résultats différents qui nécessite de réfléchir d’une autre manière ?
      J’observe de temps à autre, des managers répondre : “Je prends un risque à changer de pratique… nous ne l’avons jamais fait”…
      A quoi je réponds… “Oui effectivement, vous prenez un risque. Maintenant, vous prenez aussi un risque à ne pas changer d’approche… A vous d’évaluer le risque à prendre selon les enjeux du projet…”.
      Très souvent, les managers prennent la décision de suivre notre proposition et de sortir de leur zone de confort, ce qui est toujours, à mes yeux, un acte courageux qui parle des responsabilités qu’ils souhaitent assumer.
      Il existe cependant des cas où ils décident de continuer comme avant.
      Dans ce cas, bien souvent, lorsque nos indicateurs nous montrent qu’il n’y a quasiment aucune chance pour que son avis évolue dans les prochains mois, nous souhaitons bonne chance au manager et nous retirons du jeu pour lui laisser vivre l’expérience… pour que son niveau de conscience évolue suffisamment pour qu’il décide de “prendre le risque” de changer d’approche cognitive.

      Maintenant, de plus en plus, nous engageons les projets avec une réunion de réflexion collective Synergy4 (voir un Synergy4 forum !).
      Sans forcément comprendre ce qui se passe lors de ces réunions, compte tenu de l’efficacité de ces réunions, résultats obtenus en si peu de temps, et de satisfaction des participants qui n’en reviennent pas d’avoir travaillés dans un tel climat favorable aux échanges alors que, à part la méthode d’animation, les participants et les sujets sont les mêmes que d’habitude, cela créé un précédent qui permet de rendre “concret” les apports de pratiques différentes à celles classiquement mises en œuvre dans les organisations.

      Le manager perçoit alors que le seul risque qu’il doit assumer, c’est… celui de réussir !
      (ce qui présente un vrai risque pour le manager et l’organisation car ça perturbe l’homéostasie du système ! Reste à l’organisation de faire sa pesée d’intérêt… évoluer or not évoluer !)

      PS : félicitations pour votre excellent billet sur le sujet !

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