Extrait du livre : La stratégie du Thé, agilité, innovation et engagement dans un monde digital, incertain et complexe. Voir chapitre 8.
Alexis Nicolas se définit comme un “manager 2.0.” Son rôle est d’activer au sein de BNP Paribas une organisation en réseau afin d’améliorer le capital social de l’entreprise.
J’ai rencontré Alexis lors de ma dernière conférence à l’IGS. Nous avons échangé sur la question du R.O.I. (retour sur investissement) de l’intelligence collective et trouvé des pistes très intéressantes que je souhaite partager avec vous dans ce billet.
Le 30 janvier 2013, Alexis a publié un article dans Le Cercle – Les Échos qui est très éclairant et que je vous invite à lire :
Voici un petit résumé de cet article (avec quelques copier-coller !) suivi d’une analogie pour démontrer le R.O.I. de l’intelligence collective.
Le résumé de l’article !
Chacune à leur manière, toutes les entreprises veulent réduire le coût du travail. Mais, les récents travaux économiques de Donald G. Reinersten montrent que l’approche classique de l’optimisation des ressources pour réduire le coût du travail augmente en fait les coûts de l’entreprise.
L’approche classique prône une recherche d’utilisation des ressources à 100 %. Ils s’agit des « ressources » en général y compris les ressources humaines ! Vous avez donc un salarié, vous voulez qu’il travaille à produire et à vendre à 100% de son temps. Vous allez mettre en place des règles d’organisation, de management et de fonctionnement pour être le plus proche possible de ce 100%.
L’hypothèse prise par l’approche classique est que l’augmentation du pourcentage d’utilisation des ressources diminuera le coût relatif de réalisation de services ou de produits.
Figure 1 : coût relatif de réalisation en fonction du taux d’utilisation des ressources.
La figure 1 montre en ordonnée le coût de réalisation d’un service ou produit et en abscisse le pourcentage d’optimisation des ressources.
Dans l’idéal, si j’arrive à faire travailler mon employé à 100% de sa capacité maximum de production et de vente et bien le coût de son travail va être très faible. A l’inverse, si l’efficacité de mon employé tend vers 0%, le coût du travail va être très important.
Accessoirement, on remarque sur cette figure que l’effort d’efficience (augmentation du taux d’utilisation) sur les derniers pourcentages de productivité ne produira qu’une faible diminution des coûts de réalisation. Dans un autre domaine, on parle des coûts de la sur-qualité.
L’impasse sur le coût des délais !
Le problème de ce modèle classique est qu’il fait l’impasse sur un autre coût propre à toutes les organisations. Il s’agit du coût du délai (qui s’ajoute au coût de production).
Le coût du délai, c’est tout le temps qui s’écoule avant qu’une tâche ne soit terminée. Dans son dernier livre, Donald G. Reinersten approfondit cette notion et diffuse une meilleure connaissance des enjeux économiques des files d’attentes et du coût du délai.
Le coût du délai augmente fortement avec le taux d’utilisation des ressources. Par exemple, supposons que le processeur de votre ordinateur passe à 100 % d’utilisation pendant trop longtemps, cela augmentera les chances que votre ordinateur se fige, autrement dit que plus aucune tâche ne soit traitée. Augmenter le taux d’utilisation, augmente l’engorgement des tâches et donc, augmente le coût du délai (imaginez Charlot sur la chaîne de production dans le film Les temps modernes).
Un autre exemple très intuitif est celui des autoroutes. Chacun a vécu l’effet accordéon de la circulation sur une autoroute un peu chargée au retour de vacances. Que se passe-t-il ? La ressource, l’autoroute, est très fortement utilisée, les voitures, ne roulant pas à la même vitesse, forment un flux non continu. La forte utilisation de la ressource ne permet pas une trop forte variabilité des vitesses, ce qui génère des ralentissements passagers (l’effet accordéon). Il en est de même avec tout type de tâche de travail et à toutes les échelles.
En simplifiant un peu (prenons un coût du délai identique sur l’ensemble des tâches), la figure 2 illustre l’évolution du coût du délai en fonction du taux d’utilisation des ressources.
Figure 2 : coût du délai en fonction du taux d’utilisation des ressources.
Cette figure montre le problème de l’approche classique. On veut augmenter le taux d’utilisation vers 100% mais, au final, on gagne très peu sur le coût de réalisation au fur et à mesure qu’on approche de 100. Par contre, on augmente fortement le coût du délai quand on approche de 100 !
L’obsession classique de l’utilisation des ressources à 100 % est donc une grave erreur économique. Il s’agit du management à l’heure de présence ; des recherches d’optimisation des ressources ; des programmes d’augmentation de productivité ; …
A la recherche d’un point d’équilibre !
La figure 3 montre la forme du coût total de réalisation qui est la somme des deux coûts précédemment décrits (figures 1 et 2). La courbe résultante est en forme de U, ce qui veut dire que le coût minimum ne se situe pas à 100 % d’utilisation des ressources.
Figure 3 : coût total de réalisation (= production + délai)
Sur la figure 3, le point d’équilibre est positionné à 80 %, mais aucune formule théorique ne peut donner le pourcentage exact où se trouve le minimum, car il dépend du type de tâche, du niveau d’automatisation, de la variabilité, du risque et du contexte en général. L’important est de retenir que le coût total ne peut pas être optimisé par l’augmentation vers 100% du taux d’utilisation des ressources.
Sur la figure 3, la partie bleue est un temps dédié à la réalisation directe de valeur ajoutée (production sur chaîne d’assemblage, développement informatique, etc.). La partie jaune est un temps de « non production » que l’organisation doit conserver pour garder le coût total au minimum. Ce temps de « non production » peut par exemple être utilisé pour améliorer les processus, pour innover, pour renforcer les liens sociaux entre les membres de l’équipe ou au sein de l’entreprise. On va en reparler dans la 2ème partie du billet.
Conclusion : si on pousse les employés à travailler au maximum de leurs capacités, on va induire des coûts liés au délai qui vont annuler les gains réalisés sur les coûts de production. Il faut donc trouver le bon rythme. Toyota à travers son système managérial orienté vers l’amélioration continue, donne pouvoir aux ouvriers d’arrêter la ligne de production pour résoudre un problème, rompant ainsi le culte de l’optimisation des ressources.
Il reste à chaque entreprise un travail pour trouver son point d’équilibre par la méthode qui lui est le plus adaptée.
Le R.O.I de l’intelligence collective
Il y a un parallèle très intéressant à faire entre le management paradoxal et les travaux de Donald G. Reinersten sur les enjeux économiques des files d’attentes et du coût du délai.
En effet, il me semble que lorsqu’un manager fonctionne uniquement dans la logique de l’Ordre, il est absorbé par des activités de production et de vente au quotidien. On lui fixe des objectifs toujours plus ambitieux pour essayer de rentabiliser son salaire en essayant de l’occuper au plus proche de 100%. Ce même manager est mis sous pression et va donc reporter cette pression sur ces collaborateurs qui vont ensuite la reporter sur leurs collaborateurs et ainsi de suite du haut vers le bas de la pyramide.
A ce niveau de logique Ordre, on tend vers 100% de productivité mais on n’accorde plus de temps pour le niveau de logique Chaos.
La logique Chaos est adaptée au traitement des pages blanches (les sujets où il n’y a pas de réponse évidente) :
- Développement de performance & Stratégie
Il s’agit de la performance de l’organisation dans toutes ses dimensions (social, financière, production, ventes,..). Cela concerne aussi le déploiement de la stratégie dans des univers mouvants. - Résolution de problèmes complexes
Un problème complexe présente au moins l’une des caractéristiques suivantes : (1) nécessite de mettre en commun plusieurs expertises ; (2) caractère instable de la situation (imprévisibilité) ; (3) contexte systémique (difficultés à évaluer toutes les interactions entre tous les éléments du problème et donc les conséquences de la décision). - Gouvernance
Les points précédents concernent le « quoi faire ». L’objectif d’une réflexion sur la gouvernance est de mieux aligner organisation et opérations face à des environnements complexes et mouvants en traitant du comment faire.
Le temps qu’on passe à traiter les pages blanches est en moyenne de 5% de notre temps (tous secteurs, entreprises, départements, niveaux hiérarchiques confondus). On passe donc en moyenne 95% de notre temps sur les activités de production et de vente. Si on me pousse à tendre vers 100% de mon temps sur la production et la vente, on me pousse mécaniquement à réduire le temps que je passe à traiter les pages blanches vers 0%.
Ces pages blanches sont importantes (performance, stratégie, gouvernance) mais elles ne sont pas toujours urgentes. On repousse donc le moment où on va s’en occuper parce qu’on est très pris par l’atteinte des objectifs de la logique Ordre. Cependant, un jour vient où l’important devient urgent. C’est donc dans l’urgence qu’on va traiter l’important. Or le temps est la pire variable d’ajustement d’une réflexion sur une page blanche. Au lieu de sécuriser son processus de décision en traitant l’important avant qu’il devienne urgent, on va fonctionner en mode dégradé et on dégradera donc la qualité de la décision qui pourtant va impacter fortement les activités de production et de vente. Et oui, le Chaos est au service de l’Ordre. La stratégie, l’innovation, la gouvernance,… sont au service de l’Ordre. Si le travail fait sur le niveau Chaos est bâclé, il y aura des conséquences sur la qualité des décisions mise en œuvre dans la logique Ordre.
Tout ça ne vous rappelle rien ? Même pas ce schéma :
Figure 2 : coût du délai en fonction du taux d’utilisation des ressources
La figure 2 montre le coût des délais associé au traitement de l’important quand il est devenu urgent. Quand l’important est traité alors qu’il n’est pas encore urgent, le coût des délais tend vers 0 euro.
On doit accorder du temps aux pages blanches, à l’important et pas uniquement aux activités de production et vente. Pourtant, l’entretien annuel d’évaluation ne porte très souvent que sur l’atteinte d’objectifs individuels de production et de vente.
On devrait évaluer les employés sur l’atteinte de leurs objectifs individuels mais aussi sur leur contribution au collectif. Intuitivement, pendant mes conférences, je proposais un 80% d’évaluation sur la logique Ordre et 20% sur la logique Chaos (temps de réflexion collective, innovation, créativité, …). Ces chiffres ne vous rappellent rien ? Les voici :
Figure 3 : coût total de réalisation (= production + délai)
Je traduis ce schéma ainsi : un employé devrait passer 80% de son temps sur la logique Ordre et les 20% restant sur la logique Chaos. Une petite entreprise du nom de Google a mis en œuvre ce principe depuis longtemps pour ses ingénieurs en leur permettant de travailler sur un projet personnel à 20% de leur temps pour favoriser l’innovation dans l’entreprise. Google est très orienté innovation et culture ingénieur. Je pense qu’il faut élargir aux 4 pages blanches et pas uniquement à l’innovation et qu’il faut élargir à tous les employés et pas uniquement aux ingénieurs.
Cela dit, ce 80-20% n’est pas une norme applicable à tous les employés, tous les secteurs d’activités, toutes les entreprises,… C’est une image pour expliquer un enjeu du futur. C’est d’ailleurs ainsi que cela est formulé dans la première partie de ce billet : « […] Sur la figure 3, le point d’équilibre est positionné à 80 %, mais aucune formule théorique ne peut donner le pourcentage exact où se trouve le minimum, car il dépend du type de tâche, du niveau d’automatisation, de la variabilité, du risque et du contexte en général. […] »
Albert Einstein a dit : “Le monde que nous avons créé est le résultat de notre niveau de réflexion, mais les problèmes qu’il engendre ne sauraient être résolus à ce même niveau”.
Albert Einstein aurait pu dire : “On ne peut pas résoudre les problèmes engendrés par le niveau de logique Ordre dans ce même niveau. On doit basculer dans le niveau de logique Chaos”.
Cependant, on pousse les employés à occuper 100% de leur temps sur la logique Ordre et 0% sur la logique Chaos. Il sera donc plus difficile de résoudre efficacement les problèmes de la logique Ordre et cela induira ce qu’on a appelé dans ce billet : le coût des délais. Le R.O.I. de l’intelligence collective est qu’il permet de réduire le coût des délais…mais il reste toujours difficile voire impossible à calculer financièrement !
Il est contre-productif d’un point de vue économique et financier de centrer les employés uniquement sur des objectifs de production et de vente. C’est un gain à court terme qui est entamé ensuite par le coût des délais à moyen terme.
Trop d’Ordre… tue l’Ordre !!!
Qu’en pensez-vous ?
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Bonjour,
Je trouve cet article et approche très intéressante. C’est clair et bien argumenté. Bravo et merci.
J’y apporte ici :
1) un complément sur la performance du management des équipes ordre-désordre
2) une réponse à la question sur la mesure du ROI de l’intelligence collective à laquelle le billet ne répond pas forcément
1) le complément sur la performance du management des équipe ordre-désordre concerne : le management par projet et le management par réseaux
En deux mots, le management par projet consiste à gérer la société comme un bureau de projets. Toute activité de la société est considérée comme un projet : projet client, projet intyerne (compta, veille, formation…), networking-lobbying
En trois mots, le management en réseaux permet de combiner les organisations et fonctionnements : au delà des traditionnelles organisations hiérarchique ou matricielle en projet, il est possible de faire fonctionner les équipes en réseaux maillés, en réseaux-poles de compétences ou encore en réseaux en étoile. Maximisant ainsi les échanges sans chercher le 100% occupation mais plutôt le % de charge ad’hoc de la compétence appropriée sur la durée donnée.
De bons moyens de concilier ordre et désordre, court terme et long terme, rentable et non-rentable, de renforcer la polyvalence et la motivation des équipes, le raccourcissement des délais de chaque activité et la mobilisation de la bonne compétence, au bon moment, au bon endroit … en désordre mais dans l’ordre
2) quant à la question sur la mesure du ROI de l’intelligence collective, en ce qui nous concerne, nous utilisons des indicateurs de différents types :
– Pour mesurer les capacités individuelles :
1.a) Indicateurs lors des entretiens d’évolution
1.b) Outil de mesure automatisé (profil à partir de questions-réponses)
– Pour mesurer la capacité à fonctionner en réseaux :
2.a) Nombre d’ infos échangées entre membres
2.b) Nombre d’objectifs liés à la collaboration fixés aux principales entités et aux individus
2.c) Nombre de liens de chaque acteur du réseau
– Pour mesurer les bénéfices apportés les modes de fonctionnement
3.a) Nombre de meilleures pratiques recensées et formalisées
3.b) Nombre de retour d’expérience, référentiel métier, … capitalisés
3.c) Nombre d’utilisateurs jugeant les bases capitalisées utiles au quotidien
3.d) Nombre actions correctives générées
– Pour mesurer les bénéfices apportés sur la gestion des ressources humaines
4.a) Capacité à identifier la bonne ressource lorsque besoin
4.b) Nombre de niveau entre le management et l’individu
– Pour mesurer les bénéfices apportés sur la capacité et potentiel d’innovation
5.a) Nombre d’améliorations, propositions, suggestions générées
Longue vie à l’intelligence collective !
Vincent
@Vincent
Merci pour ton commentaire !
Sur le point 1, il me semble que tu abordes des modes de management qui permettent d’augmenter la productivité dans la logique Ordre : mieux produire et mieux vendre. C’est très bien ! Sur la logique Chaos, on entre dans une dimension qui n’a plus rien à voir avec produire et vendre mais avec réfléchir et décider sur les 4 pages blanches.
Sur le point 2, Il me semble que tu abordes la question des bénéfices et non du ROI. Personne ne conteste qu’il y ait des bénéfices et qu’on puisse les mesurer. Tes indicateurs me semblent excellents d’ailleurs !! Pour la première fois dans ce billet, j’essaye d’approcher la notion de ROI dans un sens purement financier : gain et perte d’argent mesurable. On me harcèle depuis 12 ans avec cette question et dire qu’il y a des bénéfices est tout à fait insuffisant pour convaincre les dirigeants.
Cela dit (c’est sûrement pour cela que tu as voulu apporter ce complément sur les bénéfices), je montre dans le billet la preuve d’un impact sur le coût mais je précise qu’on ne peut pas mesurer précisément la valeur financière de cet impact. On a fait un grand pas mais on n’est pas tout à fait au pur ROI tel qu’un comptable voudrait le voir ! 😉
Je ne crois pas que ce serait vraiment possible d’atteindre le pur ROI tel qu’un comptable voudrait le voir, car c’est à l’encontre de la nature humaine. Il s’agit ici de neuro-psycho-socio-économie dans la finalité la plus réduite de l’existence humaine. L’avoir pensé et écris, cet avis n’est pas philosophique.
Bonsoir Olivier,
Je suis en cours d’écriture d’un article sur l’entreprise imparfaite et votre article a nécessairement rejoint quelques unes de mes réflexions.
Comme le souligne Vincent, le ROI n’est pas directement démontré, mais le ROI de l’Ordre est démonté…
L’Ordre et le Chaos me font aussi penser au mécanisme du stress, où la pression vient du fait qu’on apporte à une nouvelle situation (la feuille blanche) une réponse inappropriée fondée sur nos savoirs, nos habitudes, nos réflexes, nos à priori etc. alors qu’elle appelle de nouvelles réponses donc de la créativité, de l’ouverture, de la recherche de nouvelles connaissances, etc.
L’entreprise est par nature un organisme imparfait (diversité, aléas, recomposition continue des enjeux, articulations qui se tordent, etc;) auquel on tente d’appliquer des modes de fonctionnement et d’organisation effectivement rigides, cartésiens, pensés très souvent sur le papier, du haut ou de l’extérieur, en oubliant les composantes essentielles de l’exécution : l’humain dans une vision collective, et donc l’intelligence collective, qui bien animée (le leadership des orienteurs est incontournable selon mes expériences) peut produire de bonnes réponses, idéalement les meilleures, bonnes ou meilleures ne signifiant pas parfaites non plus 😉
Je me permets de vous renvoyer vers un billet que j’ai écrit ce lundi pour le blog des Experts sur la transformation 2.0 en mode participatif : learning by doing … qui porte aussi des idées très proches de celles développées dans votre excellent article. Merci aux deux auteurs.
Cordialement Marie-Pierre
@Marie-Pierre
Merci pour le commentaire et pour aider tout le monde… je pense avoir trouvé le lien vers l’article que tu as écrit sur la transformation 2.0 :
http://www.latribudesexperts.fr/la-transformation-2-0-en-mode-participatif-learning-by-doing/
Enfin une théorie un peu nouvelle sur l’efficacité collective. Pas con. Pas con du tout 🙂
@Martin
Merci ! Très flatté surtout venant de toi qui œuvre dans le domaine depuis si longtemps !
La demande de ROI est effectivement un débat vicié. Le management, quel qu’il soit, est difficilement mesurable, comment évaluer l’augmentation de la valeur du capital humain et dès lors comment aborder vraiment le ROI ?
Pour s’en approcher, il faudrait être en mesure de chiffrer l’augmentation de l’engagement, de la responsabilité, de la confiance et du bien-être des collaborateurs qui conditionnent la performance de l’organisation. Et encore, avec le management de l’intelligence collective, on est sur le moyen-long terme !
Je me demande d’ailleurs, si ceux qui demandent un ROI mesurable ne sont des personnes qui ne croient pas en l’intelligence collective et qui s’abritent derrière le ROI pour masquer leur immobilisme !
@Jean-Claude
100% d’accord avec toi. La nouveauté dans ce billet est que l’on apporte la preuve d’un impact sur le coût mais, comme tu le dis si bien, on ne peut pas mesurer précisément la valeur financière de cet impact. On a fait un grand pas mais on n’est pas tout à fait au pur ROI tel qu’un comptable voudrait le voir ! 😉
Merci pour cette article qui donne les bases de la justification financiaire de la mise en pratique de l’IC et de l’innovation participative dans les organisations.
Toutefois, il me semble qu’il est encore possible de progresser dans ce chiffrage, notamment en analysant des cas concrets! Difficile pour Google par exemple, à moins qu’ils ne fournissent des stats précises du taux d’utilisation de leurs employés avant et après la mise en application du 20% de projets personnels, couplé avec les courbes de rentabilité?
A travers une analyse de plusieurs cas pratiques, nous pourrions progresser dans l’évaluation du meilleur taux de travail “communautaire” en fonction du type d’organisation ainsi que la rentabilité financiaire associée!
@Aurélien
Effectivement, c’est une très bonne idée ! Il faudrait cependant des moyens considérables et des années de travail pour arriver à une approximation qui fasse consensus parmi les experts. C’est possible mais ce sera long, coûteux et douloureux.
En fait, si on voulait être vraiment percutant, avoir un R.O.I. purement financier, incontestable, il faudrait cloner une entreprise (bureaux, employés,…), les faire fonctionner en parallèle pendant un an puis mesurer l’écart de productivité entre l’entreprise source et sa copie en comparant les bilans financiers (chiffre d’affaires, marges, parts de marché,…). Après quoi, on entendra un dirigeant dire que son entreprise est très différente de celle qu’on a cloné et que donc le R.O.I. mesuré n’est pas transposable pour lui : secteur d’activité différent, localisation, compétition, marchés, technologie, culture d’entreprise,… A titre d’exemple, dans la plupart des RDV clients que je fais, il y a une phrase magique : “Nous sommes très différents des entreprises que vous connaissez”… après quoi on vous demande des références clients d’entreprise du même secteur, même métier, même pays,… alors j’imagine que ce sera pareil pour le R.O.I.
On est dans un débat qui ressemble beaucoup à celui des ondes électromagnétique (téléphone portable collé à l’oreille et qui “pourrait” provoquer un cancer du cerveau). On sait que les ondes impactent directement les cellules humaines (c’est prouvé scientifiquement). Par contre, il n’y a aucune preuve scientifique du fait que cet impact peut produire un cancer. C’était pareil avec le tabac. On n’est sorti de là avec des études statistiques sur des populations immenses et des dizaines d’années pour que s’applique le principe de précaution. On dit aujourd’hui que fumer peut augmenter les risques de cancer.
C’est la même chose pour l’intelligence collective. Quand une entreprise opprime le chaos, elle augmente ses risques de perdre en agilité et de disparaître faute d’avoir pu s’adapter à son environnement. Ce que ce billet prouve finalement, c’est l’existence d’un risque.
En résumé, ce billet est à la fois important et inutile puisqu’on est plus dans le registre de la croyance (j’y crois ou pas) que du rationnel quantifiable. Personne n’a jamais demandé le R.O.I. de la plupart des formations au management alors que pour certains programmes, on pourrait vraiment se poser des questions… Mais, comme ces formations sont directement liées à la productivité sur la logique Ordre, personne ne demande de R.O.I. Par contre, pour une formation qui impacterait la logique Chaos, il faut tout démontrer avec des chiffres et, dans ce cadre de référence, les chiffres qui sont les plus importants sont les 2 chiffres après la virgule ! Chaque centime compte quand il s’agit de faire quelque chose que ne soit pas directement dans le registre de la production ou de la vente.
Bonsoir Olivier,
Je découvre avec un très grand plaisir ton article : brillant !
Je ne partage cependant pas tes doutes pour dire qu’il ne constituerait pas la base d’un modèle.
Je me permet sur ce point d’apporter un élément à ta proposition.
La démonstration d’un nécessaire rapport ordre / chaos ou productivité / intelligence se fonde sur l’évolution de deux déterminants de l’évolution de nos sociétés : la complexité et l’incertitude. La complexité est engendrée par notre développement (l’homme seul ne génère pas de complexité, l’hyperurbain connecté de plus en plus). L’incertitude croit avec l’intensification des intéractions et l’accélération des évolutions. Produire performant ne suffit plus, il faut produire pertinent. La valeur est dans la pertinence. C’est créer de la valeur que de réaccorder du temps à la production de la pertinence. Donc, ton modèle, performance / pertinence, qui consiste à reconnaitre une part pour l’intelligence en tous points de l’organisation fait sens. Je le développerait à deux niveaux pour fonder base de création de valeur :
1) Un temps pour l’intelligence reconnu pour chacun par une proportion de temps ;
2) Une conjugaison de tous ces temps individuels retrouvés pour développer par une dynamique collaborative une intelligence collective engendrant une valeur ajoutée stratégique pour l’organisation (agile, créatrice, efficiente).
Ce modèle performance / pertinence ou productivité / intelligence ne peut être démontré dans l’absolu, pas plus que les économistes savent statuer sur la courbe de Laffer au niveau des politiques fiscales, si ce n’est par l’absurde : 100% d’imposition signifie 0 d’impot collecté comme 0%. La vérité est entre les deux. Où ? Ca dépend de modèle partiellement démontrables et de contextes changeant impossibles à apprécier de manière certaine.
Dans ce modèle managérial que tu mets en avant l’équilibre est fonction du métier, du contexte, de la singularité de l’organisation (valeurs, conviction, histoire, projection, etc.). Son équilibre se démontre à la capacité permanente de l’entreprise à s’adapter. J’ai la conviction que cette notion va s’imposer comme la R&D est devenu un critère d’évaluation financière : une entreprise qui n’a pas de R&D est moins rassurante qu’une entreprise qui investit dans une “juste proportion” (moyenne du secteur, ratios…). Google propose le modèle 80/20. A d’autres de montrer qu’ils peuvent définir d’autres modèles source de réussite très significative.
Ce que je propose pour aller plus loin :
1) – Nommer cette proportion d’un nom communicant à définir : Ratio Ordre / Chaos, Productivité / Intelligence, Performance / Pertinence, Temps On / Temps Off … à réfléchir.
2) – Evaluer dans quel but l’organisation met à profit ce temps Off : relaxation, innovation, intelligence collective, en quoi ce temps devient-il créateur de valeur pour l’entreprise.
3) – Evaluer comment cet objectif Off est réalisé : Chaos parfait ou pratique maitrisée d’une Dynamique Collaborative ?
4) – Comparer les entreprises pratiquantes du ratio Temps On / Temps Off avec des entreprises non pratiquantes d’un même secteur : sont-elles réellement plus performantes en valeur absolue ?
La démonstration sera toujours pour une part empirique. Mais l’économie qui est pour une bonne part une science humaine et une science du complexe est pour partie empirique. Il y aura par nos efforts conjuguer progressivement une démonstration de plus en plus solide, et donc une démonstration d’un ROI de l’effort d’intelligence collective.
Ton article est donc loin d’être inutile.
@Olivier
Merci beaucoup pour ton commentaire très encourageant. Je suis à 100% d’accord avec toi. Pour aller plus loin, tu fais les propositions suivantes :
1) – Nommer cette proportion d’un nom communicant à définir : Ratio Ordre / Chaos, Productivité / Intelligence, Performance / Pertinence, Temps On / Temps Off … à réfléchir.
>>> il faudrait ouvrir un forum de discussion parce que ce blog n’est pas adapté mais je réagis en votant pour Ratio Ordre / Chaos, performance pertinence moins ésotérique mais aussi conceptuel que chaos et ordre. Temps, ça fait penser à temps libre, à vacances, donc pas très marketing pour des dirigeants !
2) – Evaluer dans quel but l’organisation met à profit ce temps Off : relaxation, innovation, intelligence collective, en quoi ce temps devient-il créateur de valeur pour l’entreprise.
>>> ça revient à définir un plan d’action pour faire monter en puissance les 4 dimensions de l’organisation paradoxale sur la logique Chaos et sortir du bidon ville actuel…
3) – Evaluer comment cet objectif Off est réalisé : Chaos parfait ou pratique maitrisée d’une Dynamique Collaborative ?
>>> une partie de la réponse ou de la problématique est évoquée dans ce billet (cf. 4ème défi) :
http://www.excellence-decisionnelle.com/2012/10/25/defis-entreprise-2-0-reseau-social-entreprise/
4) – Comparer les entreprises pratiquantes du ratio Temps On / Temps Off avec des entreprises non pratiquantes d’un même secteur : sont-elles réellement plus performantes en valeur absolue ?
>>> Je vois mal un consultant juge et partie faire ce travail. Il faut un universitaire. Avant de pouvoir faire ce travail, il faut absolument qu’on développe la logique Chaos sinon on ne pourra rien évaluer ou comparer. Toi et moi, beaucoup d’autres, nous y travaillons et je suis convaincu qu’on pourra bientôt avancer sur ce point.
Je rejoins Olivier R pour te remercier, Olivier Z, d’avoir finalement formalisé et argumenté autour d’un sujet qui est profond, qui va plus loin que la notion de ROI, et que je perçois intuitivement comme universel.
Je fait le lien avec les travaux sur la résilience vs efficacité de Bernard Lietaer et R Ulanowicz dans les écosystèmes naturels et les “écosystèmes” monétaires.
Il y a 3 ans tout juste, avec Anne-Caroline Paucot nous avions imaginé un nouveau mot pour définir ceci: l’Effilience
http://www.dicodufutur.org/2011/06/24/effilience/
Avec ce débat animé :
Ce mot vient traduire ce respect de phénomènes naturels ( pas modélisable à mon sens ) :
– l’équilibre, l’harmonie des systèmes (entreprises, individus, écosystèmes)
– l’impermanence de toutes choses qui crée le besoin de se transformer et donc de cultiver les “20%” ou les 4 pages blanches.
on prend un pot quand tu es sur Paris la prochaine fois ? 😉
@Marc
Merci pour ton commentaire ! Depuis, on s’est vu comme quoi le web est une bonne machine à passer du virtuel au physique 😉
Je vois effectivement la logique du Chaos comme un facteur de résilience !
Merci pour cet article et des échanges de grande qualité qui ont suivi; cela secoue les neurones et cela fait beaucoup de bien.
Je donne une conférence la semaine prochaine sur le thème de la mise en oeuvre des outils dits de SRM (Supplier Relationship Management) : quelle proposition de valeur pour l’entreprise ? pour ses fournisseurs ? peut on évaluer un ROI de tels projets ? où l’idée est de partager de l’intelligence collective interne et externe en particulier dans le domaine de l’innovation (intégrant l’open innovation)
Je participe aussi à une démarche à laquelle sont associés plusieurs chercheurs (www.input2.org) : au-delà des outils et des méthodes nous développons actuellement une réflexion sur le concept de capital immatériel de l’entreprise dans lequel le capital fournisseur devrait être valorisé dans la mesure où l’entreprise met en place les meilleures pratiques en matière de SRM.
Je suis donc très intéressé si cet axe là – l’intelligence collective incluant les partenaires extérieurs à l’entreprise- a déjà fait l’objet de travaux et si l’on peut aussi apporter une contribution à l’amélioration des méthodes de travail des acheteurs qui appliquent toujours les mêmes méthodes – apprisent dans les bonnes écoles!- au détriment des soft skills avec une logique productiviste et court terme qui est bien mis en exergue dans votre article.
@Alain
Pas au courant de travaux sur ce point mais l’intelligence collective est un vaste chantier. Il reste beaucoup à faire 😉
Cela me fait penser à un papier de Bernard Lietear qui s’appuie sur un étude de la productivité et résilience écologique appliqué aux monnaies, la these est que trop d’efficacité (efficiency) nuit à la résilience et devient contreproductive. Il dessine alors des fenêtres de viabilité…
http://www.lietaer.com/images/Journal_Future_Studies_final.pdf
Merci pour cet excellent article.
@Hélène
Merci pour le commentaire et… le GROS pavé en anglais de 21 pages 😉 Les conclusions entre cette approche et celle du coût des délais me semblent effectivement convergente.
Olivier,
La découverte du feu est une étape majeure dans l’évolution de l’humanité, car l’homme a pu dégager du temps pour se livrer à de nouvelles activités intellectuelles.
Avant la découverte du feu, l’homme passait 8 heures à chasser, 8 heures à manger et 8 heures à dormir.
Avec le feu, il a pu faire cuire ses aliments et ainsi réduire le temps de mastication et de digestion.
Sans ces quatre heures quotidiennes ainsi dégagées, l’humanité aurait conservé l’équilibre acquis et entretenu.
J’ose donc une analogie audacieuse.
La prise en compte du coût du délai pour libérer du temps non productif sera à l’économie, ce que fut la découverte du feu pour l’humanité !
Qu’en penses-tu ?
@Jérôme
Effectivement… Quelle audace !!! D’autant plus que lorsqu’on parle d’intelligence collective, on entend souvent un truc comme : yapalefeu !
J’aime vraiment beaucoup cette analogie qui est à la fois pédagogique et inspirante. Aurais-je l’audace de dire qu’elle est un petit pas pour l’Homme et un grand pas pour l’Humanité ? 😉