La culture de l’intelligence collective se construit à l’école

Bernard Le Clech est consultant en management et auteur du livre “Travailler dans un contexte multiculturel”. Sur son blog http://frenchie.blogspirit.com/ , il a publié une contribution : “Mondialisation et uniformisation des cultures : le contre-exemple du cas franco-allemand”.
Un passage de ce billet a retenu mon attention : “Et qu’est-ce qui est en cause pour expliquer ces différences de comportements ? Notre système d’éducation qui pousserait côté français à la compétition et, côté allemand, à la coopération . Ces différences ne sont donc pas près de s’estomper…. mondialisation ou pas.”

En quoi le système éducatif allemand pousse à la coopération ? Voici la réponse que m’a donné Bernard : “Concernant les différences culturelles franco-allemandes dans l’enseignement, tu peux lire sur le site de l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse, véritable institution de coopération franco allemande, ce texte :
http://www.tele-tandem.org/doclies/annedussapregards/annedussapregards2.html. En voici, deux extraits significatifs : “Un enseignant français définit sa mission de la manière suivante : « j’exerce une fonction d’autorité sur mes élèves, fonction que je ne peux galvauder. Les élèves ne sont pas des partenaires qui peuvent négocier en connaissance de cause. C’est l’idéal républicain qui, à travers moi, impose sa loi.
Dans la relation pédagogique à l’allemande, l’élève et l’enseignant sont partenaires pour la réalisation des potentialités de « l’éduqué » (l’élève) et le développement de son esprit critique. La loi doit être établie dans la discussion et la négociation entre les différents intéressés, c’est-à-dire entre enseignant(s) et élèves. Toute loi édictée par une autorité supérieure peut être contestée et refusée ; elle n’a pas de légitimité en soi. Dans sa mission, l’enseignant est d’ailleurs garant de la « non-obéissance aveugle » à une loi extérieure et doit amener les élèves à l’élaboration commune d’une règle valable pour la collectivité”.

Le comportement de l’enseignant est un modèle à suivre pour l’enfant. Plus tard, il reproduira les mêmes comportements dans sa vie sociale et professionnelle.

Voir le billet :
http://frenchie.blogspirit.com/archive/2007/02/18/logique-de-collaboration-allemande-vs-logique-de-coordinatio.html

Changer le monde en 2007 !

Pour ceux qui veulent plus d’intelligences dans leur organisation, qu’on valorise leur potentiel, donner du sens à leurs actions, il est clair qu’il faut changer le monde. Pourquoi pas en 2007 !

Voici quelques citations reprises de la newsletter d’Eric Seulliet publiée sur le portail management 2.0 (Edition 11 décembre 2006) :

“Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer le monde. C’est même de cette façon que cela s’est toujours produit.” Margaret Mead

“Les problèmes du monde ne peuvent être résolus par des sceptiques ou des cyniques dont les horizons se limitent aux réalités évidentes. Nous avons besoin d’hommes capables d’imaginer ce qui n’a jamais existé.” John F. Kennedy

“Dans la vie, il y a deux catégories d’individus : ceux qui regardent le monde tel qu’il est et se demandent pourquoi. Ceux qui imaginent le monde tel qu’il devrait être et qui se disent : pourquoi pas ?” Georges-Bernard Shaw

Je vous présente mes meilleurs voeux pour 2007.

Qui sera le centième singe de l’intelligence collective ?

Ken Keyes Jr est l’auteur d’un livre qui s’intitule : “The Hundredth Monkey” (Le centième singe). Il s’agit d’une histoire vraie sur des singes japonais observés à l’état sauvage sur une période de 30 ans. Une jeune femelle prend un jour l’initiative de laver ses patates dans l’eau avant de les manger. Elle fut ensuite imitée par d’autres singes et au centième singe….un miracle se produisit.
Le phénomène du centième singe peut se résumer ainsi : quand un certain nombre de personnes prennent conscience de quelque chose, tout le monde en prend conscience.

L’auteur a dédicacé son livre d’une manière originale : “Ce livre est dedicacé aux dinosaures, qui en silence nous ont montré que les espèces qui ne s’adaptent pas aux changements de leur environnement ….disparaîssent”. Etant donné que personne n’a envie de faire partie du Club des dinosaures, nous pourrions anticiper le problème en créant le Club des Singes de l’intelligence collective avec en activité principale : corvée de patates… !

Je vous recommande la lecture de l’article “Le centième singe ou comment va se jouer l’avenir de l’Humanité.” publié le 14 janvier 2005, par Aigle Royal

Voir aussi :
Le site du livre “The Hundredth Monkey”

Mise à jour le 26 mai 2010 avec cette vidéo :

La langue de l’intelligence collective

Le laboratoire de recherche en intelligence collective de l’université d’Ottawa dirigé par Pierre Lévy travaille à la création d’un metalangage qui permettrait aux ordinateurs de comprendre les données qu’ils stockent et font circuler. Il s’agit de l’IEML pour “Information Economy Meta Language”, voir http://www.ieml.org .
L’IEML s’adresse essentiellement à deux catégories de personnes : les architectes de l’information et les chercheurs en sciences humaines intéressés par les langages formels. La majorité des utilisateurs humains d’IEML n’auront pas besoin d’apprendre le métalangage.

Voici un article de presse (Libération) pour poser le cadre :
http://www.ieml.org/IMG/pdf/IEML-LIBE.pdf

Je retiens de cette interview : “L’internet est comme le cerveau de l’intelligence collective, avec une multitude de connexions entre les êtres.”

A voir également cette interview sur NextModernity dans laquelle Pierre Lévy nous livre sa vision du Web 2.0 :

Denis Failly – “Pierre Levy, compte tenu de vos recherches, pratiques, et nombreux écrits autour des usages des Tic et de leur implication en terme culturels, sociaux, cognitifs, d’intelligence collective, quel est votre regard sur le “paradigme” Web 2.0.”

Pierre Levy – “Je suppose que vous entendez par « web 2 » la liste suivante :

le développement de la blogosphère et des possibilités d’expression publique sur le web,
– l’usage croissant des wikis,
– le succès mérité de wikipedia,
– la multiplication des processus de partage d’information et de mémoire (delicious, flicker, etc.),
– la tendance générale à considérer le web comme une sorte de système d’exploitation pour des applications collaboratives et autres,
– la montée des logiciels sociaux et des services tendant à accroître le capital social de leurs usagers,
– la montée continue des systèmes d’exploitation et des logiciels à sources ouvertes,
– le développement du P2P sous toutes ses formes (techniques, sociales, conceptuelles)…

La liste n’est pas close.

Tout cela manifeste une exploration sociale des diverses formes d’intelligence collective rendues possibles par le web et représente donc une évolution très positive. Mais, en fin de compte, il s’agit d’une exploitation par et pour le plus grand nombre de potentialités qui étaient techniquement et philosophiquement déjà présentes dès l’apparition du web en 93-94. Je vois là une maturation culturelle et sociale du web (qui a été conçu dès l’origine par Tim Berners Lee pour favoriser les processus collaboratifs) plutôt qu’un saut épistémologique majeur.”

Source : http://nextmodernitylibrary.blogspirit.com/archive/2006/07/13/ieml.html

Y a-t-il un monopole implicite de l’intelligence ?

Voici ce que Norbert Bolz, philosophe allemand spécialiste des médias a écrit en août 2006 au sujet des nouveaux médias comme les blogs : « Les nouveaux médias offrent un nouveau terrain à l’exhibitionnisme facile… Les barrières de la pudeur tombent… Sur Internet, c’est l’opinion de toutes sortes de personnes qui prévaut, dont très peu sont des experts… Les gens deviennent de plus en plus des idiotae – comme disait au Moyen Age Nikolaus von Kues [1401-1464, cardinal allemand et grand esprit] –, ils se contentent de leur opinion et n’écoutent pas les lettrés. »

Les blogs ouvriraient donc la voie selon lui à l’ochlocratie, c’est-à-dire un gouvernement par la foule (voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Ochlocratie ).

Je suis bien sûr consterné par ce texte qui laisse penser que les intellectuels se sentent menacés par les technologies de l’information en général, et les blogs en particulier. C’est leur monopole de l’intelligence qui disparaît progressivement.

A mon avis, Norbert Bolz souhaite maintenir l’état actuel du monde qui repose sur 2 principes :
– il faut des idiots pour que les intellectuels existent
– il faut beaucoup d’idiots, qui deviennent la masse, pour que les intellectuels deviennent l’élite. Etre un intellectuel permet ainsi de faire partie d’une élite qui monopolise le droit à l’intelligence.

A l’inverse, si on reconnaît le principe d’une diversité d’intelligences, si on pense que chacun apporte une valeur ajoutée à sa manière dans ce qu’il fait ou ce qu’il dit, si on admet que chacun à des forces et des faiblesses tant au niveau de ses connaissances que de ses intelligences, alors tout le monde devient plus ou moins intellectuel et l’élite n’est plus une élite ! La pyramide hiérarchique qui irrigue nos cultures s’effondre et laisse place à la transversalité (fonctionnement en mode projet, décloisonnement des modes de communication et de collaboration,…) et au management de l’intelligence collective, qui ne remet pas en cause la répartition du pouvoir mais son exercice. L’objectif du management de l’intelligence collective n’est pas de donner un pouvoir égal à tous, mais d’inciter ceux qui ont le pouvoir à mobiliser toutes les intelligences et les connaissances de chacun.

Dans la même logique, la revue “Sciences Humaines” a publié un dossier sur l’intelligence collective dans le numéro 169 de mars 2006. Ce dossier titre “Intelligence collective, mythe et réalité” et on s’attend donc à trouver des contenus équilibrés entre le mythe et la réalite. Mais, à l’exception de l’article de Dominique Cardon sur l’innovation collective, les articles proposés cherchent à démontrer que c’est un mythe. Pour 1 contenu favorable à l’intelligence collective, on trouve 10 réserves ou arguments défavorables. L’article “Prend-on de meilleures décisions à plusieurs ?” de Christian Morel montre que les décisions collectives peuvent conduire à des catastrophes en oubliant de dire que les décisions individuelles en créent probablement encore bien plus. A la fin de l’article, on ne sait plus très bien ce qu’il faut retenir, sauf peut-être qu’une erreur individuelle est moins grave qu’une erreur collective ! On nous parle bien de “réflexion à plusieurs”, mais pour mieux créer la confusion entre “prise de décision” et “réflexion menant à la décision” (la réflexion pouvant être collective et la décision solitaire).

L’intelligence collective semble donc être perçue par les experts, universitaires ou intellectuels comme une menace. L’intelligence, c’est quand même leur fond de commerce ! Mais, les attaques sont souvent implicites, sournoises, cherchant à semer le doute et la confusion, car si elles devaient devenir explicites, alors il faudrait répondre à cette question : si l’intelligence collective est un mythe, est-ce que cela signifie que la connerie collective est une réalité ?

Intelligence collective et marketing politique

La vie politique française est en ébullition en ce moment ! Je voudrai donc partager avec vous 3 extraits de discours qui montrent l’usage du terme “Intelligence collective” en politique. C’est nouveau, ça vient de sortir, est-ce que ça va durer ?
Voici les extraits :

Discours de rentrée de Ségolène Royal
Prononcé le 20 août 2006 lors de la fête de la rose organisée à Frangy en Bresse

[…] Moi, je crois aux citoyens experts. Certains s’en sont moqués, mais chacun d’entre nous est le mieux placé pour savoir quelles sont ses attentes, ses espérances. Quand on s’abstient, ce n’est pas de gaieté de cœur, mais parce que l’on sait que l’on n’est pas entendu. Plus les gens sont écoutés, plus ils sont associés, alors plus les réformes sont fortes et durables. Nous avons soif de considération, de maîtrise personnelle de nos existences, d’intelligence collective, de résultats sans gaspillage ni lenteur, avec l’aide de citoyens qui ne soient plus exclus d’une histoire qui est la leur. Je ne propose pas une gouvernance aseptisée réduite à la gestion à la marge des choses, mais une politique fondée sur l’exigence d’égalité qui est celle de la France.

Ce que je vous propose, c’est une révolution démocratique fondée sur l’intelligence collective des citoyens, sur une vraie décentralisation qui identifie les responsabilités et rend donc l’Etat plus efficace, sur une démocratie sociale dans l’entreprise qui permette de moderniser les relations sociales. Le respect crée la confiance et la confiance nourrit le désir d’avenir. […]

Université d’été des jeunes populaires UMP
Marseille – dimanche 3 septembre 2006
Nicolas Sarkozy,
Président de l’Union pour un Mouvement Populaire

[…] Malraux voulait créer partout des Maisons de la culture pour mettre la culture à la portée de chacun. Dans notre époque où c’est l’intelligence collective qui enfante l’avenir, où c’est le métissage des cultures et des idées, le mélange, le brassage qui est la principale force de création dans tous les domaines, je propose de créer partout des Maisons des créateurs où se retrouveront tous ceux qui aspirent à inventer, à créer, à entreprendre dans tous les domaines, où ils pourront trouver des soutiens, des conseils, des formations, des aides, mais aussi où ils échangeront, où ils croiseront leurs expériences, leurs idées, leurs projets, où ils formeront des projets communs, où ils inventeront ensemble l’avenir. […]

Partez, M. le Président !
Article publié le 14 Janvier 2006
Par CHRISTIAN BLANC
Source : LE MONDE

[…] C’est probablement, Monsieur le Président, la fin d’un système politique dont vous êtes le chef, capté à droite comme à gauche par un groupe de hauts fonctionnaires, brillants mais coupés du monde réel. Une caste administrative qui n’a pas su adapter notre pays, car elle n’a jamais voulu s’appuyer sur l’intelligence collective de nos concitoyens. Cette suffisance engendre le cynisme, le mensonge, et finalement l’échec. […]

Pour savoir s’il s’agit de marketing politique ou de convictions profondes, il faudra malheureusement attendre quelques années après l’élection pour juger sur des faits. Mais marketing ou pas, on peut saluer l’effort et faire la longue liste de tous les politiciens qui n’ont jamais évoqué l’intelligence collective dans leur discours.
Les modes de gouvernance au niveau politique et au niveau économique sont culturellement liés. Si l’un bouge, il y a des chances que l’autre soit aussi obligé de bouger.
Si vous trouverez d’autres discours politiques abordant la question de l’intelligence collective, n’hésitez pas à faire un commentaire en reprenant l’extrait du discours sur le même format que mon billet.